Troubles de l’apprentissage – Le Soir – rédaction en ligne du 20/03/2013
Pour deux élèves en moyenne par classe, l’école est un calvaire. Dyslexie, hyperactivité, troubles de l’apprentissage… Ces enfants sont souvent ignorés, incompris en milieu scolaire. En Communauté française, les enseignants n’avaient aucune formation pour repérer les troubles, ni pour aider à y remédier. Des initiatives commencent enfin à émerger.
Pascale De Coster a longtemps attendu l’arrivée d’un enfant. « Quand mon fi ls est né, j’ai reçu en cadeau la 7e merveille du monde ! Le voir grandir était un émerveillement de chaque jour. » Alors, quand l’institutrice de troisième maternelle lui parle d’hyperactivité, c’est le choc. La maman ne veut rien entendre. L’année suivante, le petit garçon se met à perdre des cheveux. Un pédiatre confi rme les soupçons de l’institutrice… Aujourd’hui présidente de l’association TDA/H (1), Pascale De Coster avoue avoir longtemps culpabilisé. « Je n’ai rien voulu voir. Résultat : un an perdu avant d’ouvrir les yeux, un désastre pour mon fi ls alors en pleine construction de son estime de soi. Il garde à jamais une fêlure. Mais je reste éternellement reconnaissante à cette institutrice exceptionnelle. » Il y a vingt ans, les enfants « diff érents » étaient le plus souvent écartés, voire ostracisé. Par peur ou ignorance. « Tu es fainéant ! Tu le fais exprès ! » Brimades classiques lancées aux élèves qui n’arrivent pas à suivre. « Jusqu’au début des années 2000, confirme Virgine M., institutrice, ces enfants étaient rejetés, on parlait immédiatement de handicap. Ils faisaient un peu peur aux profs, qui ne disaient ni ne faisaient rien. » Et pour cause : en Communauté française, la question des troubles de l’apprentissage ne figurait pas dans le cursus obligatoire des futurs pédagogues ! Elle n’y fi gure toujours pas…
Parmi les 120 000 enseignants de maternelle, primaire et secondaire, seuls ceux qui portent un intérêt personnel à la question ont suivi un cours ou une formation sur base volontaire. Ils sont heureusement de plus en plus nombreux. Si les mentalités évoluent, c’est grâce notamment au travail d’associations de terrain. « Les écoles font de réels eff orts, reconnaît Benoît Billemeur de Villettte, président de la Fondation Dyslexie (2). Beaucoup de directeurs et d’enseignants nous appellent pour se renseigner, commandent des brochures ou font appel à nos formatrices. » Béatrice Colson est l’une d’elles. Logopède de formation, elle anime des modules de formation lors de journées pédagogiques. « Les questions : comment détecter les troubles, comment agir, quelles recettes ? Les réponses sont souvent faciles : réduire la longueur des énoncés, donner plus de temps à l’élève, avoir confi ance dans son potentiel, faire preuve d’empathie… » Des aménagements simples qui continuent pourtant à rebuter de nombreux professeurs et directeurs d’établissements.
Marie-Dominique Simonet, la ministre de l’Enseignement obligatoire, a beau marteler son message : « Chaque enfant doit être traité sur pied d’égalité, l’enfant en diffi culté doit être mieux intégré dans l’enseignement ordinaire », il y a loin de l’intention aux actes. « Certains professeurs pensent faire preuve de favoritisme s’ils aménagent leur cours pour un élève, explique Benoît Billemeur de Villette. On ne demande pourtant pas à un myope d’enlever ses lunettes en classe ! Aider un enfant dyslexique, ce n’est pas faire preuve d’inégalité, c’est juste l’aider à acquérir de l’instruction. C’est la mission première de l’école. » « Les profs ne veulent pas laisser tomber leurs élèves », affi rme François Delsarte, conseiller enseignement spécialisé au cabinet Simonet. La preuve : 800 volontaires ont suivi la nouvelle formation sur la dyslexie fi nancée par la ministre depuis l’année dernière. Formés à devenir des personnes-relais au sein de leur école, ils apprennent à maîtriser les bons outils pour répondre au trouble d’un enfant, à sensibiliser leurs pairs et, surtout, à lancer une dynamique d’ouverture et de dialogue.
Ils apprennent aux autres à grandir
Est-ce suffi sant ? Ne faudrait-il pas agir à long terme en assurant une formation obligatoire sur les troubles de l’apprentissage aux futurs pédagogues ? Dans les hautes écoles, l’idée fait son chemin. « On pourrait passer plus de temps sur ces questions et essayer d’off rir une formation uniformisée pour tous, instituteurs comme régents », estime Patrick Godfraind, directeur de la Haute Ecole provinciale de Hainaut-Condorcet d’où sortent chaque année 250 enseignants diplômés. Depuis 4 ans, ils suivent un cours obligatoire consacré aux troubles de l’apprentissage. « On veut démystifi er, explique Patricia Hosselet, coordinatrice pédagogique à Condorcet. « Ce qu’on ne connaît pas fait peur. Il faut aller au delà. » Détenir le savoir, ouvrir les yeux et apprendre à détecter les troubles, c’est bien. Mais attention, avertit la logopède Béatrice Colson : « le rôle du professeur n’est pas de poser un diagnostic. Il peut et doit tirer la sonnette d’alarme, mais c’est tout. » Un avis partagé par l’institutrice Virginie M. « Je ne suis pas suffi samment armée pour affronter ce type de problème, dit-elle, lucide. Mais aujourd’hui, on dédramatise. On sait tous qu’il existe des solutions pour les enfants qui souff rent de troubles ! Alors, on fait tout notre possible pour les intégrer. » L’organisation de la classe en est-elle chamboulée ? « Ces enfants sont souvent couvés par les autres, qui sentent la diff érence et nous alertent avec leurs mots. Avoir des enfants diff érents dans une classe est une richesse, un cadeau. Ils apprennent aux autres à grandir. »
1) Asbl TDA/H Belgique (Troubles de l’attention/Hyperactivité) : www.tdah.be